Du 8 janvier au 11 février dernier, des chercheurs du Schmidt Ocean Institute (SOI) ont mené une expédition sous-marine au large du Chili. À près de 4 000 mètres de profondeur, ils ont découvert quatre monts sous-marins et 100 nouvelles espèces aquatiques encore inconnues.
Les océans sont encore largement inexplorés puisque 80% d’entre eux restent inconnus. Selon des estimations du programme de recherche Census of Marine Life, on recense actuellement 250 000 espèces sous-marines et il en resterait entre 1 et 10 millions à découvrir.
Une exploration d’ampleur
Grâce à une expédition menée entre le 8 janvier et le 11 février, on en sait un peu plus sur ce qui se cache dans les fonds marins. Cette expédition a été menée en haute mer, au large du Chili, par des chercheurs du Schmidt Ocean Institute (SOI) à bord du navire de recherche Falkor. Le projet, nommé « Seamounts of the Southeast Pacific » avait pour but d’explorer les profondeurs du sud-est de l’océan Pacifique pour en savoir plus sur la diversité animale afin de montrer la nécessité de protéger les océans.
Pour réaliser cette expédition, les chercheurs ont envoyé un véhicule sous-marin téléporté, équipé de lumières et de caméras, à 4 500 mètres de profondeur. Ainsi, l’appareil a pu retransmettre en direct des images que l’on ne peut pas voir depuis la surface. Cette mission a permis aux scientifiques de cartographier 52 800 km2 d’océan. Dans ce secteur, trois zones principales ont été étudiées : les crêtes de Nazca et Salas y Gómez ainsi que les parcs marins Juan Fernández et Nazca-Desventuradas.
4 monts sous-marins et 100 nouvelles espèces
Grâce à cette exploration, les chercheurs ont découvert quatre monts sous-marins solitaires, jusqu’alors inconnus. Le plus grand d’entre eux, baptisé Solito, mesure 3 530 mètres de haut. Il est quatre fois plus haut que le Burj Khalifa, le plus haut du monde, qui culmine à 828 mètres de hauteur.
En plus de cela, plus de 100 nouvelles espèces aquatiques ont été découvertes. Parmi elles, des éponges géantes, des champs de crinoïdes, d’énormes coraux en spirale de trois mètres de haut, des pieuvres, des oursins et d’autres créatures étonnantes.
Selon une description de Geo, les chercheurs ont identifié « une sorte de crapaud de mer rouge vif avec des nageoires ressemblant à des mains ».
Cette créature, dont la peau est composée de petites aiguilles qui serviraient de protection, possède des nageoires qui lui permettent de marcher sur les fonds marins pour chasser.
« La nature unique de la topographie des monts sous-marins permet à certains types d’espèces de vivre et de s’adapter à un mode de vie qui n’est présent que sur cette montagne spécifique. La plupart des espèces qui se trouvent le long de cette chaîne de montagnes et sur les monts sous-marins sont uniques en leur genre et n’existent nulle part ailleurs dans le monde. Nous savons qu’il reste des espèces inconnues dans ces zones, qui font partie des moins explorées du monde océanique, mais en trouver par dizaines reste palpitant et exaltant », a affirmé Javier Sellanes, biologiste marin à l’Université Catholique du Nord du Chili et scientifique principal de l’étude, à National Geographic.
W.530 / Juan Fernández Seamount Chain / Southeast Pacific
Among the many incredible new species found dwelling on Chile’s underwater mountains, a bright red sea-toad (or Chaunacops) with modified fins for walking on the seafloor crosses into view of the ROV. Looking very much… pic.twitter.com/MJrAj7zE99
— Alex Ingle (@alexinglephoto) March 11, 2024
Si toutes ces espèces arrivent à vivre dans les profondeurs, c’est pour une raison simple rapportée par Michel Segonzac, qui a participé pour l’Ifremer à des expéditions scientifiques dans tous les océans :
« Au large du Chili, le courant sous-marin de Humboldt, venu du sud, draine quantité de nutriments. Ce courant de surface alimente une telle masse de faune que ce qui tombe vers le fond fournit beaucoup de nourriture à la faune benthique », a-t-il expliqué à Sciences et Avenir.
Des espèces menacées
À la suite de cette expédition, tous les échantillons prélevés par les scientifiques vont être analysés afin de confirmer que ces espèces sont bien nouvelles. Si cette découverte est un espoir pour la survie de la biodiversité sous-marine, il s’agit d’une nouvelle preuve que nous devons protéger les océans. Ces derniers sont victimes du changement climatique, qui engendre une hausse des températures et une acidification de l’eau, mais aussi des activités humaines comme la surpêche, la pollution, le chalutage de fond et l’exploitation minière.
« Une majorité des espèces vivent dans des habitats vulnérables, tels que les coraux d’eau froide et les jardins d’éponges, qui sont très sensibles aux dommages causés par le chalutage et l’exploitation minière en haute mer. Les nouvelles espèces des parcs Juan Fernandez et Nazca-Desventuradas sont légalement protégées de ces menaces. Cependant, les monts sous-marins ne le sont pas actuellement », ont alerté les chercheurs.
Selon des informations de l’Organisation Mondiale des Nations-Unies (ONU) relayées par Le Figaro, « près de 40% des océans sont considérés comme lourdement affectés par les activités humaines dont la pollution, la diminution des stocks de poissons, la destruction d’habitats côtiers tels que les récifs de coraux, les mangroves et les algues marines, ainsi que l’implantation d’espèces aquatiques envahissantes ».
D’après la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA), il existerait plus de 100 000 monts sous-marins dans le monde et 0,1% ont été explorés par l’être humain.
– LG
Photo de couverture : Schmidt Ocean Institute (SOI)