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la Grèce interdit la pêche au chalut dans ses aires marines protégées


18 avril 2024 à 17h11
Mis à jour le 18 avril 2024 à 18h49

Durée de lecture : 5 minutes

Une lueur d’espoir pour la Méditerranée ? Lors de la conférence « Our Ocean », qui s’est tenue du 15 au 17 avril à Athènes, la Grèce a annoncé vouloir interdire le chalutage de fond dans ses parcs nationaux d’ici deux ans. Elle prévoit de bannir cette pratique de pêche destructrice de l’ensemble de ses aires marines protégées — qui représentent 30 % de la surface maritime du pays — d’ici 2030. Une décision qualifiée d’« historique » par le Premier ministre, Kyriákos Mitsotákis.

La pêche au chalut, qui consiste à tracter d’immenses filets derrière les bateaux, fait partie des techniques les plus énergivores et néfastes pour la biodiversité. Non sélective, elle entraîne la capture d’un grand nombre de poissons juvéniles et d’espèces non ciblées, comme les dauphins. En raclant le plancher océanique, les chaluts de fond — qui peuvent être comparés à des « bulldozers marins » — détruisent les récifs de coraux et d’éponges. Une étude publiée en janvier dernier montre par ailleurs qu’ils libèrent des quantités colossales de CO2 dans l’atmosphère.

Bref, cette technique de pêche est « absolument incompatible avec la conservation de la biodiversité, et donc la présence d’une aire marine protégée », insiste Joachim Claudet, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). La décision de la Grèce constitue donc, selon ce spécialiste des aires marines protégées, une « très bonne nouvelle » pour les écosystèmes marins. « Ça devrait être la normalité, précise-t-il cependant. Selon la classification mise au point par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), aucune aire marine ne peut en effet prétendre être « protégée » si la pêche industrielle y est autorisée.

Le chercheur appelle cependant à ne pas crier victoire trop vite. « Les annonces faites à ce type de conférences ne sont pas toujours mises en place dans la réalité », alerte-t-il. Les aires marines protégées grecques font par ailleurs partie des moins bien gérées d’Europe, selon une étude scientifique publiée en mars dernier dans le Journal of Environmental Management. « Elles sont parfois peu réglementées, ou non surveillées, signale Joachim Claudet. Il faudra rester vigilant. »

La France dans « l’action délétère »

Le projet de la Grèce pourrait néanmoins inspirer le reste de l’Union européenne. Un rapport publié fin mars par l’association de défense des océans Bloom montre que plus de 60 % de la surface des aires marines supposément « protégées » par les Vingt-Sept a été chalutée en 2023. Au total, environ un quart de l’effort de pêche au chalut sur le continent (soit 1,7 million d’heures) a eu lieu à l’intérieur de ces zones.

La France fait partie des pires élèves, aux côtés de l’Espagne et de l’Italie : les trois pays concentrent, à eux seuls, plus de deux tiers de l’effort de pêche au chalut dans ces zones protégées. La plus chalutée d’Europe est également française : il s’agit du Talus du golfe de Gascogne, situé sur la côte atlantique. Cette zone a cumulé, à elle seule, plus de 200 000 heures de pêche au chalut en 2023, selon les calculs de Bloom.

« Il est temps que la France annonce une mesure du même ordre »

Contrairement à son homologue grec, le gouvernement français ne semble pour le moment pas disposé à renverser la table. Devant le Sénat, en mars 2023, le secrétaire d’État chargé de la mer, Hervé Berville, se disait « totalement, clairement et fermement » opposé à l’interdiction des engins de fond dans les aires marines protégées françaises.

Pire : d’après le Financial Times, la France tenterait actuellement de saboter les efforts du Royaume-Uni pour mieux protéger ses eaux. En mars dernier, Londres a annoncé vouloir interdire le chalutage de fond (britannique et étranger) dans une partie de ses aires marines protégées, sur une surface totale de 4 000 km². Se disant soucieux de l’avenir des pêcheurs français, le ministre délégué français à l’Europe, Jean-Noël Barrot, a déclaré envisager des « mesures de rétorsion ».

« C’est purement scandaleux, commente Swann Bommier, responsable de plaidoyer chez Bloom. On n’est pas seulement dans l’inaction ; on est dans l’action délétère, en torpillant activement l’ambition de nos voisins. »

À un an de la tenue, à Nice, de la Conférence des Nations unies pour l’océan, l’associatif appelle le gouvernement français à suivre l’exemple « bienvenu » de la Grèce. « Tout le monde avance, il est temps que la France annonce une mesure du même ordre. On ne peut pas accueillir une conférence internationale sur l’océan et refuser de suivre les recommandations des scientifiques sur le sujet. Ce n’est pas crédible diplomatiquement. »



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