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Barcelone veut dessaler l’eau de mer… mais c’est une mauvaise idée


25 avril 2024 à 17h20
Mis à jour le 25 avril 2024 à 18h17

Durée de lecture : 4 minutes

Madrid, correspondance

La technologie sauvera-t-elle Barcelone de la sécheresse ? C’est ce que semble penser le gouvernement local de Catalogne, qui a annoncé le 18 avril l’installation de treize stations de dessalement provisoires à travers la région pour faire face à l’une des pires sécheresses de son histoire. L’une des installations devrait être une station flottante, dans le port de Barcelone.

L’annonce a généré un fort écho médiatique, au milieu de la précampagne pour les élections régionales du 12 mai. Mais certains regrettent une gestion court-termiste des ressources en eau, quand les autorités devraient anticiper pour s’adapter de manière durable à la nouvelle réalité climatique.

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« L’objectif est que, si les conditions actuelles ne s’améliorent pas, on évite d’en arriver aux niveaux d’urgence les plus élevés », expliquait la Généralité, siège du gouvernement régional catalan, le 18 avril, à l’annonce de sa mesure. Les équipements en question sont des stations de dessalement mobiles, qui seront en service le temps que les travaux de construction de deux usines de dessalement fixes de grande capacité soient exécutés.

Sur les 13 stations provisoires, 12 doivent chacune fournir 1 000 m3 d’eau potable par jour. Elles seront réparties au nord de la Costa Brava, et alimenteront des communes très touristiques, comme Cadaqués ou Rosas. Elles pourront débiter un volume équivalent à 35 % de la demande des zones qu’elles couvrent. La treizième, dans le port de Barcelone, doit être bien plus imposante, avec une capacité de 40 000 m3 par jour. Soit 6 % de la demande de l’aire urbaine de la capitale régionale, zone qu’elle servira.

« Mettre un pansement pour se sortir d’affaire »

Cette mesure doit se substituer à l’envoi d’eau par bateau, qui avait été envisagée en novembre dernier. Les bateaux n’auraient pu transporter que 25 000 m3 par jour selon la Généralité, et chaque m3 d’eau potable débarqué d’un cargo aurait coûté 10 euros, contre 6 euros pour ceux qui sortiront de la station provisoire installée dans la deuxième ville d’Espagne.

Un effet d’annonce, sans efficacité réelle et décidé sans vérifier les possibles effets, selon la mairie de Barcelone. Celle-ci regrette de ne pas avoir été consultée et dénonce une « improvisation totale » d’un « parti en campagne ».

Les stations de dessalement devront chacune fournir 1 000 m3 d’eau potable par jour. (photo d’illustration)
Flickr/CC BYNCND 2.0 Deed/Dima

Avant l’installation des futures stations de dessalement, le gouvernement local avait annoncé une flexibilisation des restrictions d’eau. La plus polémique : reconnaître comme « refuge climatique » toutes les piscines, publiques ou privées, tant qu’elles seront accessibles au public. De quoi autoriser leur remplissage, malgré les alertes sécheresse. « Rien à voir avec le tourisme », s’est toutefois défendu la Généralité.

« La situation actuelle est le résultat d’une politique de gestion de l’eau désastreuse. Pas seulement de ce gouvernement, analyse Julio Barea, responsable de campagne pour Greenpeace Espagne et docteur spécialisé en hydrogéologie. Depuis des années, nous avons proposé de l’eau comme s’il y en avait sans limites, pour les piscines, le tourisme, des golfs, les macrofermes. Maintenant, l’homme politique doit apporter une solution. Et il propose de mettre un pansement pour se sortir d’affaire. »

Limiter notre usage

Le dessalement n’a rien de durable, selon lui. L’osmose inversée, technique utilisée en Espagne, consomme énormément d’électricité, dont une partie issue d’énergies fossiles. De plus, pour chaque litre d’eau douce, elle rejette généralement dans la mer plus de 1 litre de saumure, hautement concentrée en sel et mêlée à des produits chimiques polluants.

Et surtout : « Il y a un effet pervers. On se dit : “Il n’y a pas d’eau ? Nous allons en fabriquer à l’infini”. Cela donne le sentiment qu’il y en a pour tous les usages. Nous continuons donc sur le même modèle, alors qu’il faudrait limiter notre usage », se désole Julio Barea.

Pire, les grandes annonces politiques présentant cela comme une solution entraîneraient un « effet d’appel » : les stations de dessalement, vues comme une solution immédiate afin de poursuivre nos habitudes, se multiplient. Dans l’ensemble de l’Espagne, l’idée fait son chemin, et la pression politique monte.



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